Mettant dans la gêne de nombreux dirigeants arabes et poussant d'autres à sortir
Apparemment, il ne se passe un sommet de la Ligue arabe sans que le leader de la révolution libyenne ne fasse des siennes en passant à la moulinette ses pairs, poussant même certains à quitter la salle.
Mouammar El-Kadhafi, qui a tenu à rappeler à ceux qui l'auraient oublié : “Je suis le doyen des dirigeants arabes. Je suis au pouvoir depuis 1969...”, affichera d'entrée le ton de son discours en provoquant l'hilarité des présents, lorsqu'il proposa à ceux qui étaient debout d'occuper les sièges vacants de la délégation libanaise, en disant : “Ne vous en faites pas, ils ne viennent pas.” Le ton était donné, la suite ne fut qu'une série de railleries interminables n'épargnant personne. Il commencera par s'en prendre au président de l'Autorité palestinienne, qu'il qualifiera d'“héros d'Oslo” et “d'instrument utilisé par les Israéliens et les Américains pour diviser les rangs palestiniens”. Accusant le coup, Mahmoud Abbas démentira Kadhafi par des hochements de tête en signe de dénégation. Ce fut ensuite de la délégation irakienne de constituer la cible du colonel. “Le président Saddam Hussein était l'allié des Américains et l'ami de Dick Cheney, mais ils l'ont quand même pendu. Votre tour viendra aussi”, lancera-t-il en direction des Irakiens. Toujours au sujet de Saddam Hussein, il se demandera : “Comment pouvons-nous accepter qu'une puissance étrangère vienne renverser un dirigeant arabe pendant que nous restons là à regarder ?” S'en prenant par la suite aux Saoudiens, il s'interrogera : “Ben Laden était-il irakien ?” Il poussera le président de la délégation saoudienne à sortir de la salle en signe de protestation. Mais ayant apparemment été instruit de ne pas réagir, le ministre saoudien est revenu dans la salle, faisant semblant de ne plus écouter et fouillant dans ses dossiers. Il généralisera ses reproches à tout le monde en s'interrogeant pourquoi “beaucoup de forces militaires occupent des territoires arabes alors que ces derniers n'ont jamais occupé les territoires des autres et sont mêmes prêts à céder les leurs”. Affirmant que les deux tiers des Arabes sont africains, il invitera les États arabes à se joindre à l'Union africaine, car estimant que “leur avenir paraît plus que compromis”. “Où est la dignité des Arabes, leur avenir, leur véritable existence ? Tout a disparu”, s'écriera-t-il, avant de dire avec beaucoup de regrets : “Notre sang et notre langue ont beau être unis, il n'y a rien qui puisse nous unir.” Il avertira que si les Arabes “ne se réorganisent pas, ils deviendront des protectorats. Ils seront marginalisés et deviendront des décharges publiques”. Pour terminer, il ridiculisera le projet de la Ligue arabe prévoyant d'entamer une coopération sur un programme nucléaire conjoint, en s'interrogeant : “Comment pourrions-nous faire ça ? Nous nous haïssons les uns les autres, nous nous voulons du mal les uns les autres et nos services secrets conspirent les uns contre les autres. Nous sommes notre propre ennemi.” Il faut dire que ces propos acerbes reflètent la réalité que vit le monde arabe, plus divisé que jamais. En effet, à Damas la plaie était des plus béantes avec la défection de plus de la moitié des dirigeants arabes.